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Pays-Bas : des tensions entre marchés au cadran et exportateurs

Mises en place après-guerre aux Pays-Bas pour centraliser l'offre et la demande, les coopératives de vente au cadran ont facilité la croissance et la spécialisation de la production, ainsi que le développement d'un commerce de gros structuré.

Essentiellement tourné vers l'export, le commerce horticole néerlandais souffre mais renforce ses actions vers le marché. Comme en production (le Lien horticole n° 881 du 9 avril 2014), les fusions et restructurations vont bon train, sur fond de détricotage des organisations interprofessionnelles. Cela ne va pas sans difficultés, au sein d'une filière qui semblait pourtant solidement structurée.

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En raison d'un marché intérieur limité, la majorité des productions néerlandaises est destinée à l'exportation. En 2013, les Pays-Bas ont exporté un peu plus de 6 milliards d'euros de végétaux d'ornement, dont 53 % de fleurs coupées et 33 % de plantes en pot et de jardin, en baisse de 2,3 % après le chiffre record de 2012. Troisième destination après l'Allemagne et le Royaume-Uni, la France absorbe 12 % des exportations néerlandaises de fleurs et plantes. En raison du tassement de la plupart des marchés d'Europe de l'Ouest, les Pays-Bas ont renforcé leur position sur les marchés de l'Est, notamment la Russie qui s'est hissée au cinquième rang des exportations. En 2013 cependant, ce sont les marchés d'Europe du Nord qui ont montré le plus grand dynamisme : Suède (+ 12 %,) et Norvège (+ 9 %). En France, les végétaux néerlandais sont majoritairement destinés aux grossistes (37 % des fleurs coupées et 25 % des plantes en pot et de jardin). Les fleuristes sont la deuxième destination pour les fleurs coupées (21 %) et la quatrième pour les plantes (14 %). Enfin, supermarchés et jardineries absorbent respectivement 23 % et 18 % des exportations de plantes. Le dynamisme des exportations néerlandaises s'appuie sur la puissance du commerce.

Commerce de gros : l'arrivée de gros groupes

Le pays compte 646 grossistes exportateurs en 2013, avec de grandes disparités de taille et de profil. Les dernières années ont vu la disparition d'un certain nombre d'entreprises (16 % depuis 2010), ainsi que des mouvements de fusions-acquisitions ayant conduit à de gros groupes, tels FleuraMetz ou Dutch Flower Group. Certains observateurs prédisent la survie de cinq gros acteurs à un horizon de dix ans. Pourtant, la récente faillite de deux poids lourds, Ciccolella et Florimex, témoigne des difficultés. Selon Jorrit Dekkers, analyste à la Rabobank, le commerce fait face à de nombreux défis : « La virtualisation des opérations nécessite de lourds investissements informatiques. Les marchés sont très segmentés et requièrent des approches spécifiques : de gros groupes avec des stratégies de prix et de volumes pour la grande distribution, des stratégies de gamme et de service ciblées pour le commerce spécialisé. De plus en plus de producteurs veulent travailler en direct, ce qui fragilise les exportateurs. »

Mise en marché : jusqu'où ira FloraHolland ?

Mises en place après-guerre pour centraliser l'offre et la demande, les coopératives de vente au cadran ont facilité la croissance et la spécialisation de la production, ainsi que le développement d'un commerce de gros structuré. Au fil du temps, la fusion des différentes structures coopératives a conduit au quasi-monopole de FloraHolland, qui regroupe plus de 7 000 apporteurs et réalise un chiffre d'affaires de 4 milliards d'euros. Cet établissement commercialise des fleurs coupées (56,5 %) et des plantes en pot (34,9 %), une offre complétée par une gamme courte de petites plantes de jardin. Son chiffre d'affaires est en légère progression, malgré les tensions sur le marché. Depuis les années 1990, la coopérative s'est ouverte aux importations, afin de maintenir son attractivité pour les acheteurs et d'éviter les ventes directes vers les marchés de consommation. Aujourd'hui, 27 % des fleurs coupées et 12 % des plantes de jardin commercialisées sont importés. Durant les dix dernières années, elle a évolué vers la virtualisation des transactions, en développant les ventes à distance et les cadrans numériques, ainsi que le service marketing d'intermédiation Connect, qui permet aux centrales de conclure des contrats à l'avance, sans passage au cadran. Aujourd'hui, la majorité des ventes de plantes se fait via FloraHolland Connect. La coopérative reste cependant partie prenante dans la transaction, notamment en garantissant le règlement aux producteurs. Forte de sa position au coeur de l'offre et de la demande, FloraHolland entend aller plus loin, en renforçant ses services marketing auprès des distributeurs. Cette stratégie fait grincer des dents chez les exportateurs, qui y voient une concurrence et souhaitent que le marché s'en tienne à son rôle de facilitateur logistique, informatique et financier. Interviewé par notre confrère Floraculture International, Rens Buchwald, directeur des opérations, pose le débat à un autre niveau : « Notre but est d'offrir le meilleur prix possible au producteur au coût le plus bas. Dans le passé, le cadran servait à fixer le prix, mais des groupes de producteurs ont commencé à prendre des initiatives marketing. Nous souhaitons les accompagner par des solutions opérationnelles. » Pour Lex Horrsen, responsable de la communication, et Caroline Grange, responsable grands comptes, il n'y a pas concurrence avec les exportateurs, mais complémentarité : « Nous sommes au carrefour de la production et de la distribution : les producteurs nous demandent d'aller plus vers le marché et le marché veut se rapprocher de la production. Par notre connaissance de l'offre et de la demande, nous sommes les mieux placés pour faire le lien entre producteurs, exportateurs et détaillants et mettre en oeuvre les services facilitant le déroulement des opérations. »

D'autres défis restent à relever : la virtualisation des transactions questionne un modèle construit autour d'investissements immobiliers et logistiques et oblige FloraHolland à s'adapter. La direction du marché a récemment présenté un plan de restructuration prévoyant 20 millions d'euros d'économies et 200 suppressions de postes, soit 5 % des effectifs. Parmi les principales mesures : la réduction du nombre de cadrans, le renforcement de la virtualisation des processus de ventes, le transfert d'une partie des contrôles qualité aux apporteurs et le recentrage sur les services les plus demandés. Si les nouveaux dirigeants sont confiants sur leur capacité à ajuster leurs coûts, la pérennité de la coopérative, interface entre la production et le commerce, repose grandement sur le maintien d'un intérêt partagé et d'un équilibre entre producteurs, marché et acheteurs, qui constituent ses principaux clients. C'est peut-être là que réside le véritable défiqui lui est posé.

Action collective : guerre des organisations

Si tout le monde s'accorde sur la nécessité de soutenir le marché et de faire des économies, les moyens d'y parvenir diffèrent et on assiste à une guerre entre structures, sur fond de détricotage des organisations interprofessionnelles.

« C'est une période difficile, indique Ron Jeronimus, responsable de l'Office hollandais des fleurs (OHF) en France. Chacun essaye de trouver sa place dans un contexte budgétaire plus contraint. » Les financements publics et interprofessionnels ont été très réduits et deux structures vont disparaître en 2014 : l'interprofession Productschap Tuinbouw, qui collectait et redistribuait les fonds auprès de la recherche, les études et la promotion, et le HBAG, au service des grossistes. « En trois ans, le budget de l'OHF est passé de 26 à 8 millions d'euros, poursuit Ron Jeronimus. Cela nous a conduits à recentrer nos actions sur une communication grand public plus ciblée sur nos quatre marchés prioritaires, Allemagne, France, Royaume-Uni et Pays-Bas. »

L'avenir reste à écrire : la disparition ou la réduction de budget des organismes collectifs laisse le champ libre à Flora-Holland pour développer des actions marketing. Mais cela ne pourra pas se faire en opposition aux exportateurs. On assiste à l'émergence d'autres formes d'actions collectives, au travers d'alliances (producteurs, exportateurs, obtenteurs...) autour de projets déterminés. « Une plus grande implication des acteurs est positive, poursuit Ron Jeronimus. Cependant des promotions ponctuelles basées sur un produit n'ont pas la même répercussion qu'une publicité générique et peuvent créer une autoconcurrence entre produits d'ornement. De plus, la filière va perdre des outils importants de connaissance et de promotion des marchés, qui vont vite manquer aux entreprises. » Enfin, on ne mesure pas encore l'impact des réductions budgétaires sur les nombreux projets de recherche et développement au service de l'innovation.

Comme toute période de transition, le contexte difficile rend la lecture de l'avenir encore confuse. Cependant, on voit émerger une industrie recentrée, plus combative, mobilisant des moyens pour des actions opérationnelles de développement et de diversification.

Marie-Françoise Petitjean

LogistiqueLes coûts et contraintes logistiques ne permettent plus aux exportateurs d'expédier à plus de 3 000 kilomètres. « La course au gigantisme et à la technologie atteint ses limites », analyse l'observateur Jaap Kras.

PHOTO : OHF

Promotion« La période est difficile », indique Ron Jeronimus, responsable de l'Office hollandais des fleurs en France. La promotion des produits néerlandais a été réduite fortement, de plus des deux tiers.

PHOTO : OHF

OpportunitésLe contexte néerlandais peut-il ouvrir des opportunités pour les producteurs français ? Selon Benoît Hue, de Profitplant, « peut-être pour certains professionnels du nord du pays » (ici les Ets Desrumeaux).

PHOTO : VALÉRIE VIDRIL

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